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C’est un sentier qui serpente à travers les arbres dénudés en hiver. Noir sur blanc. J’ai l’impression de le marcher depuis toujours. On l’appelle le Petit sentier car il est parallèle, à travers bois, au chemin principal suivi par la majorité. Après une convalescence recluse dans la maison, je décide que ma santé mentale nécessite une sortie. Je m’arme de mes deux cannes de marche, de mes crampons et de mon courage. Me voilà dans mon élément.
Une amie m’a conseillée de faire le tour du bloc i.e. du pâté de maisons. Ça ne me convient pas du tout. Les amateurs de nature me comprendront.
Donc, de peine et de misère, je réussis quand même à clopiner à peu près le quart de la distance totale que je parcours en vingt minutes et cela en une heure. Sur mon retour, je rencontre quelques chevreuils, bien sûr, des dizaines d’écureuils et de mésanges à tête noire. Une silhouette masculine se dessine et s’avance vers moi. Je me tasse, par politesse, pour le laisse passer sur ce chemin étroit. Il me regarde et me dit cette phrase éculée que j’ai entendue mille fois au cours de ma vie : « Respirez par le nez ». Dans un éclair de lucidité, j’en ai enfin compris le sens. L’ego est très fort, vous le savez sans doute. Son existence tient au temps. Dans mon état, je m’en soucie moins. Du temps.
En effet, autour de nous, durant notre conversation à bâton rompue, autour de nous les gens s’affairent. Ceux qui veulent maintenir la forme rognent sur leur heure de lunch en joggant, les nouvelles mamans poussent leur landau avec bébé au pas de course, les mémés et les pépés font leur exercices physiques recommandés. Autrement dit, tous coursent contre la montre. Malheureusement, le temps est immuable et immobile. La course n’a pas lieu d’être. Cet homme, rencontré sur ce sentier, est devenu, l’espace du temps présent, un maître. Un maître n’est pas quelqu’un qui enseigne. Il est celui qui vit.